1 Introduction :
Deux villes en Amérique du Nord portent des noms tristement célèbres car associées à des maladies :
-la ville de Lyme, dans le Connecticut (USA), associée à la maladie éponyme
-la ville d’Asbestos, du nom de l’amiante en anglais, ville qui vient même de décider de se rebaptiser
2 Historique :
Dès le XIXème siècle, l’amiante (ou asbeste) est remarquée pour ses nombreuses propriétés de résistance au feu et à diverses agressions.
Elle fut dès lors massivement intégrée à des colles, des mastics, des plaques d’amiante-ciment, des dispositifs de calorifugeage.
Cependant, dès les années 1890, on détecte son caractère nocif pour la santé : fibrose pulmonaire, cancers,…
3 Législation :
La France interdit l’emploi de ce matériau le 1er janvier 1997 par le décret 96-1133 du 24 décembre 1996, pris en application du Code du travail et du Code de la consommation.
En 1998, un « Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante » (FCAATA https://retraitesolidarite.caissedesdepots.fr/fcaata) est créé. Les fonctionnaires en sont exclus.
En décembre 2000, un « Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante » (FIVA http://www.fiva.fr) est voit le jour.
En novembre 2002, la norme AFNOR NF X 46-020 décrit la procédure de diagnostic à utiliser pour déceler la présence d’amiante dans les bâtiments construits avant l’interdiction totale de l’amiante en 1997.
Tout désamiantage ou démolition d’un bâtiment amianté doit faire l’objet d’un plan de retrait déposé à la Direction départementale du travail.
En cas de désamiantage « sauvage », le recours consiste en un appel à l’inspection du travail pour faire cesser le chantier (« constat d’amiante »).
Le 3 juin 2011, un décret modernise la part du code de la santé publique relative à la prévention de ces risques dans les immeubles bâtis, pour protéger les personnes circulant ou travaillant dans des immeubles amiantés.
Le 23 février 2012, un arrêté précise la formation des travailleurs à la prévention du risque amiante :
– Sous-section 3 : Désamiantage
– Sous-section 4 : Personnes intervenant sur des produits amiantés ou à proximité des produits amiantés
Le désamiantage risque de durer aussi longtemps qu’a duré « l’amiantage » : On parle de curage des bâtiments jusqu’en … 2060.[1]
4 Amiante et assurances :
L’industrie de l’assurance prend très vite ses distances avec ce risque : Dès 1918, des assureurs américains refusent d’assurer les travailleurs de cette industrie.
L’industrie cependant se comporte de manière largement irresponsable, comme la Johns-Manville Corporation :
Fondée en 1858, cette société est spécialisée dans les matériaux anti-feu et les tubes.
Elle équipe de nombreux navires de l’US Navy dès 1945 avec de l’amiante.
Dès 1933, il apparait que son assureur, Metropolitan Life Insurance Company, l’encourage dans la dissimulation des risques liés à l’amiante.
En 1949, le management décide de ne pas tenir informés les travailleurs même malades de leur situation.
En 1982 la Johns-Manville Corporation fait faillite.
Un fonds pour les victimes est créé, abondé à hauteur de 2,5 milliards de USD, qui reçoit près de 89 000 plaintes.[2] Les plaintes ne pourront être honorées qu’à hauteur de 10%.
Il ne faut dès lors pas s’étonner de l’aversion des assureurs pour ce phénomène :
-Au Royaume Uni, 2400 décès annuels sont enregistrés et les assureurs estiment dépenser 200 millions de livres annuels en indemnisation des victimes (source : ABI Association of British Insurers)
-Aux USA, les règlements d’indemnités atteignent 2 milliards de USD annuels, et ce depuis 2002 (source AM Best), même s’ils commencent graduellement à baisser.
-En France, chez Saint-Gobain, le pôle de produits pour la construction, essentiellement à travers Saint-Gobain PAM, est aujourd’hui une « coquille vide » qui gère le passif d’Everite. En effet, la personne morale Everite existe toujours, mais seulement pour les besoins des procès en faute inexcusable intentés par d’anciens salariés. C’est, au sein du groupe Saint-Gobain, en France, l’entité qui doit assumer les conséquences de l’exploitation de l’amiante.
C’est d’ailleurs un souci majeur de Saint-Gobain en termes de procès puisque, du fait de l’activité historique de la société américaine Certain Teed, en grande partie avant son acquisition par Saint-Gobain, un certain nombre de procès complexes relevant du système juridique américain sont en cours.
D’ailleurs, la Compagnie a dû constituer des provisions pour indemniser les salariés. La plupart des provisions sont surtout destinées aux procès américains. Rappelons que, dans le système américain, qui est celui des « class actions », on n’est pas obligé d’avoir une pathologie déclarée pour pouvoir engager un procès.
Les Constructions Mécaniques de Normandie (CMN) sont un autre cas de grande difficulté financière associée à l’amiante (source Senat[3])
5 Les risques de mise en cause pour l’entreprise :
Les entreprises peuvent être attaquées pour des préjudices à leurs employés (51) ou des préjudices à l’environnement (52) :
51 La faute inexcusable de l’employeur :
En cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, la victime d’une maladie liée à l’amiante peut notamment se voir attribuer une majoration de sa rente au titre de la faute de l’employeur qui vient s’ajouter à la réparation déjà intégrale accordée par le FIVA. Pour une personne dont le taux d’IPP est de 100 %, les réparations complémentaires accordées par les Tribunaux des Affaires de Sécurité Sociale (TASS) au titre du préjudice physique, moral et d’agrément s’échelonnent entre 100.000 et 300.000 euros (source ibid).
La faute inexcusable de l’employeur fait d’ailleurs désormais partie, en standard, des garanties du contrat Responsabilité Civile, avec des montants de garantie croissants.
52 Les responsabilités liées à l’environnement :
3 responsabilités peuvent être invoquées :
521 La responsabilité civile du fait du préjudice écologique :
Depuis la loi du 8 aout 2016, les entreprises doivent réparer les préjudices écologiques liées à leur activité ou à leurs produits. Ex : Une cuve de gasoil fuyarde met en danger une population de batraciens.
522 La responsabilité civile atteinte à l’environnement (RCAE) :
C’est la plus ancienne garantie, présente de base dans les contrats. Cette responsabilité est engagée en cas de dommages corporels, matériels et immatériels subis par les tiers, et résultant d’une atteinte à l’environnement consécutive à un accident imputable à son activité. Ex : Explosion du transformateur de l’usine.
523 La responsabilité environnementale :
Elle résulte du principe « pollueur-payeur » de la loi du 1er aout 2008. A la différence de la précédente, elle intervient même en l’absence de tout dommage à un tiers. Elle prévoit une réparation en nature.
6 Assurer le risque amiante :
61 Le cas des entreprises ne manipulant pas l’amiante :
Les entreprises « ordinaires » peuvent rester fortuitement exposer au risque amiante.
En effet, même interdit depuis 1997, ce matériau est loin d’être éradiqué.
L’entreprise risque d’être confrontée, au sein de son contrat Multirisque Professionnelle », à une exclusion, au chapitre Responsabilité Civile, ainsi formulée :
« Les dommages de toute nature causés par l’amiante, le plomb et le formaldéhyde. »
exclusion difficilement rachetable de manière simple et économique.
L’entreprise qui a une obligation de résultat quant à la sécurité au travail devra veiller aux diagnostics sur son bâti et à la qualité de ses intrants. Le médecin du Travail et le CSE (Comité Social et Economique) seront tenus au courant.
La souscription d’une vraie assurance Responsabilité Environnementale (cf plus haut) peut aussi être un élément de réponse.
Entreprise « ordinaire » et travaux :
Le maître d’ouvrage faisant travailler une entreprise via la sous-section 3 (cf plus bas) doit soumettre un plan de retrait, d’encapsulage[4] ou de démolition réglementaire aux organismes de prévention compétents.
Avant les travaux, c’est en effet le maître d’ouvrage qui a l’obligation de fournir aux entreprises les dossiers techniques amiante prévus par les dispositions règlementaires, notamment le décret n°2011-629 du 3 juin 2011.
Ce n’est donc pas sur les seuls professionnels de l’amiante que repose la gestion du risque.
62 Le cas des entreprises confrontées à l’amiante :
La réglementation les groupe en 2 catégories, sous-section 3 et sous-section 4.
A noter que les équipements de protection individuels et collectifs sont définis en sous-section 1 et 2 (selon le taux d’empoussiérage).
Le Ministère du Travail a produit deux logigrammes permettant de mieux se situer entre sous-sections :
621 Sous-section 3, retrait et confinement :
Il s’agit donc pour l’essentiel des entreprises de désamiantage. Leurs employés, soumis quotidiennement au risque-amiante, bénéficient de formation et procédures renforcées.
Les entreprises doivent obtenir des certificats de qualification pour le retrait et le confinement de l’amiante friable et non friable.
Friable/Non friable ?
Depuis le 1er janvier 2014, la certification Qualibat 1552 « Traitement de l’amiante » remplace les précédentes :
la certification Qualibat 1512 (amiante non friable)
la certification Qualibat 1513 (amiante friable).
Cette même norme concerne l’ensemble des activités de retrait et d’encapsulage des matériaux contenant de l’amiante (décret n° 2012-639 du 4 mai 2012).
Les entreprises certifiées 1512 et 1513 ont été reclassées et de nouvelles se sont ajoutées à la certification 1552. Qualibat regroupe 350 entreprises certifiées « Traitement de l’amiante », soit 5 000 professionnels autorisés, dont 350 encadrants techniques.
622 Sous-section 4, maintenance, réparation, entretien :
Il s’agit de toutes les entreprises du 2nd œuvre du bâtiment, exposées occasionnellement :
Electriciens, couvreurs, thermiciens, peintres, bureaux d’étude,..
Le caractère occasionnel rend l’appréhension du risque et de l’assurance nécessaire plus difficile pour ces entreprises.
A noter que des entreprise d’inertage de l’amiante peuvent très bien se retrouver.. en sous-section 4.
Il ne faut pas oublier les professions connexes :
Auditeur amiante
Repérage amiante avant travaux et démolitions
Formateur
Laboratoire
Diagnostic
Assistance à Maîtrise d’Ouvrage (AMO)
En sous-section 3 ou 4, l’entreprise devra nécessairement s’équiper en :
Responsabilité Civile (Exploitation et Professionnelle)
La certification Qualibat 1512 prévoir d’ailleurs un contrôle de la possession de cette assurance.
L’audit siège de pré-certification a en effet pour objectif de vérifier le respect des critères organisationnels et techniques définis dans le chapitre 5 de la norme NF X 46-010, et notamment les assurances
Responsabilité Environnementale (cf plus haut)
Eventuellement en assurance Décennale (RCD), notamment pour l’encapsulage
Idéalement en Responsabilité Civile des Mandataires Sociaux
Une réflexion ultérieure portera sur les montants de garantie recherchés.
Les assureurs actifs dans le domaine sont peu nombreux.
Les limitations peuvent aussi provenir des clauses des traités de réassurance.
Le marché de Londres (Lloyd’s) peut se révéler d’un grand secours.
[1] Voir ttps://www.team2.fr/article/entretien-valame-traiter-l%E2%80%99amiante-pour-ne-plus-l%E2%80%99enfouir
[2] Voir https://www.iii.org/article/liability-for-asbestos-related-diseases#The%20Beginnings%20of%20Litigation
[3] Le drame de l’amiante en France : comprendre, mieux réparer, en tirer des leçons pour l’avenir (rapport) www.senat.fr/rap/r05-037-1/r05-037-130.html
[4] activités d’encoffrement, de doublage, de fixation par revêtement, d’imprégnation, en vue de traiter et de conserver, de manière étanche, l’amiante en place et les matériaux amiantés afin de prévenir la dispersion de fibres dans l’air