Les dernières années ont vu la multiplication d’effondrement d’immeubles :
-En 2018, à Marseille (avec 8 morts rue Aubagne)
-En 2021 à Bordeaux
-En 2022 à Lille (où la chute de 2 immeubles fait un mort)
-En 2023 à Paris, rue St Jacques
-Toulouse enfin en 2024 clôt ce bal sinistre
Les capitales étrangères ont aussi leur lot :
-Miami (24 juin 2021, 90 morts à Surfside)
-La Havane (4 octobre 2023, 3 morts dont 2 pompiers).
-New York (12 décembre 2023 : effondrement partiel dans le Bronx d’un immeuble de 7 étages)
Des discussions s’instaurent sur les causes :
-vents violents, tempêtes
-évènements sismiques, même discrets
-défaut d’entretien souvent pointé
-mouvements du sol (cavités souterraines, argiles, travaux en voisinage)
-interventions sauvages sur les murs porteurs
-gaz (souvent également)
Ces phénomènes sont suivis d’opérations de confortement, supposées provisoires, mais qui perdurent en raison des procédures judiciaires.
Avant de se soucier de son patrimoine, le Syndicat des Copropriétaires, qui est censé être assuré en Responsabilité Civile (loi Alur 2014), devrait se soucier de ses responsabilités.
Soulignons que la responsabilité du Syndicat des Copropriétaires est, du fait de l’article 14 alinéa 5 de la Loi n°65-557 du 10 juillet 1965 est engagée de plein droit, sans recherche de fait ou de cause :
« Le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires. »
Dans la pratique, la municipalité concernée :
-commence par prendre un « arrêté de mise en sécurité » (interdisant l’accès et l’usage)
-demande au juge des référés du Tribunal Administratif la nomination d’un expert judiciaire (pour définir la dangerosité de l’immeuble et les mesures à mettre en place)
-prend sur ces bases un deuxième arrêté « de péril imminent » (enjoignant les propriétaires à faire des travaux de court terme et de plus long terme)
L’immeuble ainsi « perd la main »…
Mais qu’en est-il des assurances ? Quel remboursement ?
Même si l’assurance-construction (décennale et dommages-ouvrage) peut parfois être mobilisée (si l’effondrement semble résulter de travaux réalisés dans les dix dernières années), c’est surtout la Multirisque Immeuble qui devrait couvrir l’effondrement.
Pour que la multirisque immeuble joue encore faudra-t-il que la garantie Effondrement ait été souscrite !
Aussi étrange que cela puisse paraître, l’effondrement n’est qu’une option dans de nombreuses propositions d’assurances d’immeubles. Ce n’est pas une garantie obligatoire (à la différence de la couverture des catastrophes naturelles).
A noter qu’une proposition de loi n° 5252 a été déposée le 7 juin 2022, visant à rendre cette garantie obligatoire, et surtout visant à rendre obligatoire un audit tous les cinq ans des immeubles construits avant 1970.
Si cette garantie effondrement (effondrement total ou partiel) n’est pas « cochée », l’immeuble ne sera pas indemnisé. L’assuré invoquera cependant les garanties Responsabilité Civile, pour les dommages causés aux tiers.
La garantie « effondrement » est précieuse en cas d’effondrement sans raison connue ni catastrophe naturelle.
Effondrement et « garantie effondrement » :
-l’effondrement postérieur à un incendie n’est pas un effondrement, c’est -techniquement- un sinistre-incendie. C’est la cause primaire qui détermine l’application des garanties.
-De ce fait, si l’effondrement est la conséquence d’un évènement garanti (incendie…), il sera indemnisé, même en l’absence caractérisée de garantie « effondrement » dans le contrat.
L’assureur pourra évoquer un « défaut d’entretien et de réparation » pour refuser sa garantie. Cependant, les exclusions contractuelles doivent être claires et précises pour être invoquées (cf à cet égard Cass 1ère chambre civile 13 novembre 2022, pourvoi 99-15.808).
Que se passe-t-il si l’effondrement est à venir ?
L’assureur rembourse un désordre avéré (une eau qui a coulé, un feu qui a ravagé…). Il n’entend pas financer un risque futur.
Si une vilaine fissure apparait au droit de la porte cochère, l’assureur va-t-il mettre la main à la poche pour financer les travaux d’un charpentier ? Il le fera si figure au contrat une somme destinée à la « prévention ».
De fait, certains assureurs argueront que l’immeuble ne s’est pas vraiment effondré (notamment, ce qui est un comble, en raison des mesures d’urgence de confortement qui ont été prises !! ).
La Cour de cassation est cependant, dans un arrêt du 5 mai 2015, venu au secours des malheureux propriétaires, en indiquant qu’il convenait d’assimiler effondrement et menace grave et imminente d’effondrement (Cass.civ. 3ème 5 mai 2015 pourvoi 14-12.235).
Dernier point, le courtier veillera à contracter avec une compagnie « notoirement solvable », capable d’assister promptement les victimes et apte à dédommager sous un délai raisonnable le(s) propriétaire(s).
Cette condition n’est malheureusement pas toujours respectée, l’assurance de ces immeubles :
-situés dans un environnement peu favorable (squatters, tags, immeubles vides…)
-de petite surface
-en mauvais état
-comportant des lots vides
-avec de nombreuses surfaces commerciales au rez-de-chaussée
est boudée par les assureurs généralistes et finit par échouer chez des assureurs de second rang.
Conclusion :
Les conséquences pour le propriétaire d’un effondrement sont considérables :
-pertes financières immédiates (loyers, frais de relogement)
-prise en main directe (comme à Bordeaux par exemple) des travaux d’urgence par la municipalité
-risques de prise en charge très partielle par les assureurs
-poursuites judiciaires (A Bordeaux, poursuites contre un ancien élu, un propriétaire, un syndic)
De ce fait :
- Le courtier devra exercer son devoir de conseil en proposant, par écrit, des garanties et des montants adaptés, émanant de compagnies correctes.
- Le syndic proposera en Assemblée Générale des projets de rénovation concrets assortis de devis.
- Le courtier et le syndic s’assureront de la visite formelle de la part des ingénieurs de la compagnie.
Évolution de la législation :
L’arsenal législatif s’est développé durant les dernières décennies :
-Loi du 6 juillet 1989, qui précise la notion de logement décent
-Loi ALUR du 24 mars 2014. Les diagnostics obligatoires en sont un des éléments les plus visibles.
-Loi ELAN du 23 novembre 2018
-Loi SRU du 13 décembre 2000, pour combattre l’habitat dangereux ou insalubre
L’arsenal s’est développé mais force est de constater que les effondrements se poursuivent.
Retenons alors que la multirisque immeuble ne se résume pas à « un cout au mètre carré », mais qu’elle comporte des garanties fort variées qu’il convient d’examiner avec soin une par une.
La garantie effondrement doit être prise (on s’assurera à ce propos que tous les types d’effondrement sont couverts). Le surcout associé à cette garantie est d’ailleurs minime.
L’effondrement, risque rare, risque de gravité, doit être soigneusement pris en compte dans l’assurance de l’immeuble.